Hier s'est tenu à Paris, au Réfectoire des Cordeliers (VIe), une journée d’études organisée par le GIS-DON et baptisée « Longévité des disques enregistrable : mythe ou réalité ? ». Nous étions présents lors de cette journée et nous vous en proposons un compte-rendu. Compte tenu de la richesse de cette journée, ce billet a été divisé en deux parties, la première, publiée hier, correspondant aux interventions du matin, et la seconde, ci-dessous, aux interventions de l'après-midi.
Les bonnes pratiques de l’INA à l’épreuve du temps
(Foued Berhaou de l’INA)
1. La captation des flux numériques
Tout ce qui concerne la production de l’INA n’est pas sur disque optique. Le dépôt légal est stocké sur DONE pour la consultation. Dès 94, l’INA a gravé des CD en captation, 7j/7 et 24h/24, pour capturer en continu les programmes radio et TV. Tout est sécurisé en double captation, réception par satellite et tuner FM. Plusieurs usages : un exemplaire de stockage à Brie-sur-Marne (en atmosphère contrôlé, à l’abri de la lumière et de la poussière) ; un exemplaire pour la consultation (livré en salle P de la BnF). Parallèlement, il y a une captation sur disque dur depuis deux ans, mais toute la partie stockage reste sur des supports physiques. 80 documentalistes travaillent à l’indexation de l’information directement à partir de ces disques durs. Le but étant d’avoir toutes les informations sur disque dur pour améliorer les notices documentaires.
2. Production
Tout ce qui est capté est enregistré sur DONE.
Quelques chiffres :
- 88 DONE par jour, 480 heures de programme radio. La partie radio a une consommation de 40 000 DONE par an.
- 616 DONE par semaine, 3360 heures de de programme radio.
- 32120 DONE par an, 175 200 heures de programme radio.
Une partie est stockée sur des boitiers cristal rigide, où le CD est suspendu par le centre et pas posé sur la tranche, le tout dans une boite en carton, et sur des étagères avec une atmosphère contrôlée. L’INA fait rentrer les CD 15 jours avant leur utilisation, pour qu’ils s’acclimatent à la température avant d’être utilisés. Toutes les informations sont gravées en deux exemplaires sur des CD de bonne qualité, mais de constructeur différent, pour éviter que les vieillissements soient identiques. L’INA envoie à la BnF des petits classeurs avec des disques pour qu’ils soient consultés. S’il y a un problème, il y a une réédition faite à partir de la source.
Cette méthodologie s’est construite au fur et à mesure : les CD-R utilisés sont des Gold et utilisés pour l’archivage. La vitesse de gravure est importante, et il faut la corréler avec la vitesse des CD. Il faut choisir la gravure a la moitié de la vitesse fournie par le constructeur pour générer le moins d’erreurs possible (c’est l’étude du LNE qui a permis de déterminer cela).
Par jour :
13 cm linéaires pour la conservation => 4.777 cm3 (une boite en carton),
8,1 cm linéaires pour la consultation (trois boitiers en plastiques)
Par semaine :
91 cm linéaires pour la conservation => 33.439 cm3
56.7 cm linéaires pour la consultation => 12.698 cm3
Par an :
47,45 m linéaires pour la conservation => 4.875 m3
31 m linéaires pour la consultation => 1.9 m3
3. Préconisations
Quand on achète, il faut se poser la question de la gravure et de la lecture dans le maximum de temps possible. En France, il n’y a qu’un seul fabricant : MPO. On ne peut pas faire de validation par lot, mais il y a un suivi de la production, s’il y a un souci sur une série, elle repart chez le constructeur.
Durée de vie d’un DONE : Elle commence une fois qu’il est fabriqué, donc il ne faut pas faire de stocks trop grands.
Le graveur et le logiciel de gravure sont importants. Il faut toujours lui joindre un fichier de métadonnées.
A l’INA, les disques sont imprimés avec des encres à base d’eau, il ne faut pas imprimer à chaud, car cela détériore le DONE.
4. Suivi des collections
Une étude a été menée sur un échantillon de 1500 CD en partenariat avec le LNE (financée par le ministère de l’industrie). L’échantillon couvre 10 ans de production entre 1994 et 2004. Les meilleurs CD sont ceux de 1994, les pires étant ceux de l’année 2003.
Le même échantillon a été ré-analysé cette année, il faut anticiper la perte de données et le vieillissement. Cela permet de comprendre pourquoi certaines données ont été perdues et pas d’autres. C’est aussi réduire l’empreinte carbone : si on réduit le nombre de migrations, on gagne de l’argent et on réduit le nombre de CD utilisés. Il faut travailler avec des laboratoires indépendants, ou avoir une compétence en interne.
Quelques solutions alternatives pour un archivage à long terme et leur évaluation
(Yannick Deshayes – Université Bordeaux, Laboratoire IMS)
1. Contexte
Aujourd’hui on fait la course à la plus grande capacité. On ne se soucie pas du temps pendant lequel ces données seront conservées, car la durée de vie n’est pas un argument de vente.
2. Mémoire magnétique électronique
- Mémoire magnétique (disques durs)
Avantages : mémoire de masse (on sait très bien faire des disques durs d’1 To), les vitesses de transfert (environ 6go/sec), le coût (50€/To soit 0,5€/Go).
Inconvénients : température, champ magnétique, consomme de l’énergie (mais c’est assez faible), etc.
La garantie est de trois ans, ce qui fait que le constructeur estime que les premières défaillances arrivent au bout de trois ans.
- La mémoire électronique (mémoire flash : clés USB, SSD)
Avantages : mémoire ultra-portable (4 à 180 Go), accès relativement rapide (taux de transfert de 250 Mo/sec soit 10 mn pour une centaine de Go), coût faible, pas d’usure mécanique, consommation faible.
Inconvénients : sensible (les mémoires sont limitées à 100 000 cycles environ) et on peut perdre des informations si la clé est inutilisée.
3. Mémoire optique d’avenir
- L’holographie (étymologie : du grec Holos, pour entier et graphen pour écrire)
Découverte en 1948 par D. Gabor. Ça s’est bien développé à partir des années 1960. Le principe est simple, c’est de l’inscription de données par un faisceau laser. Il faut utiliser un laser, qui est une lumière monochromatique cohérente et directive.
Prix de l’équipement : Graveur : 20 000 – 30 000€ ; lecteur 18 000€ ; support : HVD, 180€
Avantages : grande capacité (1 To), consommation faible, coût faible (0,1€/Go), le temps de lecture (100 Go/sec).
Inconvénients : durée de vie (le comportement est proche des CD/DVD, avec une durée de vie max de 20 ans), prix de l’équipement.
- Laser femtoseconde
C’est un laser auquel on ajoute un cristal qui a une action localisée au cœur du matériau. Cela permet de graver au cœur et non plus en surface, et donc d’éviter les rayures etc.
Prix de l’équipement : Le graveur femto-seconde coute 100 000€. Le lecteur est proche d’un lecteur de type Blu-Ray, soit 100€. Le support : disque en verre de 12 cm, 100 à 200€.
Avantages : un temps extrêmement court et une information localisée au cœur du matériau, grande capacité (2,5 To), consommation faible, cout au Go faible (0,01€/Go), durée de vie de 100 à 1000 ans, mais c’est encore à l’étude.
Inconvénients : prix du graveur.
- Le verre : un bon candidat ?
C’est un matériau qui conduit la lumière. On a retrouvé des objets en verre des égyptiens qui ont 1500 ans. C’est donc durable.
La solution serait peut-être un support verre massif à la place du plastique multicouche.
Conclusion finale
(Franck Laloë)
Dans le domaine de la conservation de l’information numérique à long terme, on ne peut pas choisir puisque la longévité est extrêmement variable selon la marque et même les lots. Les performances techniques des DONE sont mauvaises à long terme.
Remplacer les colorants par des matériaux non-organiques n’est pas une solution. Les disques réinscriptibles ont une durée de vie encore plus faible que les CD-R.
Ce qui compte, c’est de comprendre les principes, car si l’on arrive à concevoir des systèmes plus simples, on peut avoir une plus grande longévité des supports. Le verre est prometteur. Hélas, pour le moment, les études ne sont que peu soutenues par le gouvernement. Mais l’agence nationale de la recherche organisera bientôt une journée d’étude sur ce domaine.
Recommandations du GIS-Don aux usagers :
Le bon produit n’existe pas. La seule solution est une stratégie active de recopie.
Faire plusieurs copies conservées dans des endroits différents.
Tous les 3-5 ans environ, les recopier sur un support neuf.
Pour des recommandations détaillées, voir le PDF :
http://www.lne.fr/publications/recherche/recommandations-gis-don-conservation-donnees.pdf
Magalie Lopez et Timothée Bonnet
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