mardi 22 mars 2011

La bibliothèque de Norvège : Vers le tout numérique ?

Le site de la BN de Norvège
En tant que stagiaire, j'ai eu la chance de participer aux "midis de l'info," rencontres professionnelles organisées par la BnF pour ses employés. La session qui s'est déroulée en début de semaine dernière avait pour thème "La bibliothèque de Norvège : Vers le tout numérique ?" et était animée par Bruno Racine, président de la BnF et, surtout, par Vigdis Moe Skarstein, directrice de la Bibliothèque de Norvège.

Bien que jeune centenaire, la Bibliothèque nationale de Norvège est une des bibliothèques les plus innovantes en matière de numérique et de services aux publics. Le volontarisme avec lequel cette bibliothèque aborde l'ère numérique, les solutions originales apportées pour donner accès à l'ensemble du patrimoine qu'il soit sous droits ou non constituent une démarche et une expérience riches en enseignements, qu'il s'agisse d'organisation interne, de gestion des compétences ou encore de modèles économiques.

La BN de Norvège est située sur deux sites : l’un à Oslo et l’autre au Nord du pays juste sous le cercle arctique. Ce second site est un lieu de stockage qui sert à conserver dans de bonnes conditions un des exemplaires du dépôt légal. Ce site est original puisqu’il a été creusé au cœur d’une montagne.



Les services au public

La BN de Norvège propose différents services au public :
  • Étagère numérique : Service proposé depuis mai 2009. Il s’agit de rendre disponible gratuitement sur le site de la bibliothèque les ouvrages qui sont publiés en Norvège. Ce service résulte d’un partenariat entre la BN et les éditeurs. Ce partenariat a pu être rendu possible car la Norvège est un petit pays (5 millions d’habitants) avec d’importants moyens. Le service, qui n’est ouvert qu’aux norvégiens (le service reconnaît les IP), propose des milliers de livres en consultation gratuite. La BN paye 620 000€/an aux éditeurs pour pouvoir proposer ce service. Les utilisateurs peuvent également imprimer et télécharger en PDF pour les ouvrages qui sont libres de droit (uniquement). Il y a différents moyens d’accès aux textes : recherches plein texte, recherches thématiques, etc. Le service d’étagère numérique est intéressant, car il propose une option de « ballade » numérique dans les collections comme on pourrait se promener dans les allées de la bibliothèque. On parcourt les étagères, et si l’on trouve un titre qui nous plait, il suffit de cliquer dessus pour qu’il s’ouvre.
  • Presse : La BN a également conclu des partenariats avec 4 grands quotidiens norvégiens pour réaliser une numérisation de la presse. Cette numérisation est également rétrospective. Ce service vient d’être lancé et il est encore en phase d’expérimentation (notamment au niveau de l’interface). La visionneuse se présente sous forme d’un « mur » avec les pages des journaux où l’on peut zoomer fortement. Il y a également la possibilité de faire des recherches de plein texte.
  • Radio : La BN a également conclu un partenariat avec la compagnie de radiodiffusion nationale norvégienne pour la numérisation de ce patrimoine. Les coûts sont assurés par les deux institutions. Il y a 6 radios concernées, ce qui représente 40 000 programmes numérisés.
  • GalleriNOR : Il est issu d’un partenariat entre la BN et d’autres institutions patrimoniales comme les archives nationales et certains musées. Il s’agit de permettre l’accès de photographies d’œuvres qui sont conservées dans ces institutions. La qualité de la numérisation n’est pas très bonne, et le service ne propose donc pas de télécharger les images. En parallèle, il y a une valorisation par le biais « d’histoires numériques » qui mettent en avant certains fonds ou parties de fonds intéressants ou insolites).
  • Services à l’extérieur : Il s’agit d’un défi pour les bibliothèques numériques. La BN a mis en place des salles de consultation (« médiathèque ») pour les documents multimédias. Ils mènent des politiques de communication auprès du public et des chercheurs pour les inciter à fréquenter ces salles de lectures de documents numériques. Bien évidemment, la BN est présente sur différents réseaux sociaux, permet de partager son contenu via un widget. Elle a également un blog pour les échanges avec les lecteurs, et les retours sont apparemment très positifs vis-à-vis de sa politique de bibliothèque numérique. Le dépôt légal en Norvège est similaire à celui qui est pratiqué en France, et ils doivent donc faire face aux mêmes défis que la BnF. D’ailleurs, l’agence de protection des données ne veut pas leur donner une licence pour les moissons du web, ce qui est problématique (pour des questions de respect de la vie privée).

Défis/objectifs de la Bibliothèque numérique

En 2009, il y a eu la publication d’un livre blanc sur la bibliothèque et les archives nationales. Ce livre blanc préconise que la BN soit un dépôt pour tous les objets numériques et propose un partenariat entre les AN et la BN. La bibliothèque a donc développé un système de stockage et d’archivage pérenne pour la conservation à long terme des documents numériques. Tout document numérique est stocké en trois exemplaires : deux sur cassettes et un sur disque dur. Au travers du livre blanc, le parlement à désigné la BN pour remplir le rôle de préservation de l’intégrité des documents numériques. Il à d’ailleurs augmenté le budget de la BN en conséquence et les budgets augmentent depuis 2009.

La numérisation des livres qui entrent à la BN est systématique depuis 2007. La BN s’est fixée pour objectif de numériser l’intégralité de sa collection d’ici 25 ans. Les chantiers de numérisation des journaux sont externalisés, mais tout le reste se fait en interne. Les études menées par la BN ont en effet conclu que la préparation des documents coûte plus cher que leur numérisation, et qu’il était donc moins onéreux de numériser sur place. Cette numérisation touche toutes les collections conservées à la BN. A l’heure actuelle, il y a 1.9 million de documents numériques. L’objectif avoué étant de numériser au plus vite les collections existantes et collecter les documents numériques auprès des producteurs via des partenariats.

Niveau statistiques, 1 livre sur 4 est lu, la BN est impressionnée par les taux de visionnage et le nombre de pages vues à chaque connexion. Les statistiques montrent que certains lisent des livres entiers sous forme numérique. La BN compte 36 000 téléchargements d’œuvres libres de droits en PDF. Néanmoins, la BN connaît assez mal le profil des publics ni les utilisations qui sont faites des documents. En ce sens, elle a conclu un contrat avec une entreprise d’audit pour avoir de meilleurs retours sur cette question. La BN veut accroître sa connaissance de la lecture sur le net/liseuses/tablettes/smartphones par une étude des usages, des comportements, de l’influence de la bibliothèque numérique sur la lecture (papier).


La numérisation bouleverse les structures classiques (producteurs/éditeurs/distributeurs). On est toujours à la recherche d’un business model : qui doit payer ? Partenariats public/privé ? Mécénat par des entreprises ?
En définitive, les compétences de la BnF sont un peu différentes de la bibliothèque nationale de Norvège, mais les défis que doivent relever les deux institutions sont similaires. 

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